Pièces Annexes |
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Le Chevalet |
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De toutes ces pièces "annexes", le chevalet ou kudirai (mot signifiant lui aussi "cheval" en Tamoul) est sans doute celle ayant le plus d'influence sur le timbre de la vina. Il est constitué de trois "strates" : un corps en bois reposant sur la table par deux larges pieds, une épaisseur de laque servant de colle, et une plaque de métal, le plus souvent en bronze, au profil légèrement convexe. C'est sur cette surface que reposeront les quatre cordes mélodiques. Une seconde pièce de bronze, courbe et présentant la même convexité, est coincée entre le bord du chevalet et la table par la pression des cordes de tala qui reposent sur elle. Pour résister à cette poussée latérale, le chevalet est maintenu en place par deux petits clous ou chevilles de bois fixés dans ses pieds, s'encastrant dans deux trous fins percés dans la table. |
La forme générale du chevalet, son poids réparti plus ou moins symétriquement entre le coté grave et le coté aigu, la qualité du bois, la largueur des pieds et la perfection de leur contact avec la table sont d'autres facteurs à prendre en compte, pouvant favoriser ou nuire à l'homogénéité entre tous les registres. Les propriétés acoustiques de la laque, son épaisseur, son adhérence plus ou moins poussée avec le bois du pied et le métal de la plaque supérieure doivent être soigneusement contrôlées. Le métal utilisé pour la plaque, l'épaisseur et le poids de cette pièce, et par dessus tout le degré de courbure de son profil ainsi que son inclinaison ont des répercussions énormes sur la qualité du timbre. |
Les Sillets |
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A l'extrémité supérieure du manche, les quatre cordes mélodiques reposent sur le sillet ou meru. Dans sa conception, cette pièce présente comme le chevalet une structure en trois strates : sur un petit parallélépipède de bois fixé sur le dandipalakka ou sur le manche, une faible épaisseur de laque permet de coller une petite pièce de métal hémicylindrique sur laquelle quatre fines entailles, faites d'un trait de scie ou de lime, maintiennent les cordes en place. Cette tenue est importante dans la mesure où la technique du tiré écarte fréquemment les cordes de leur axe normal. De part et d'autre de la longueur vibrante, la même transmission de l'énergie des cordes vers le corps sonore, à travers un "feuilleté" de trois matériaux, est ainsi établie. Cette symétrie n'est toutefois pas toujours constatée, quelques instruments anciens présentant un sillet en une seule pièce, de corne de cerf ou d'ivoire. |
Le Cordier |
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Après la fonction de transmission du son que nous venons d'étudier avec le chevalet et les sillets, le maintient de la tension des cordes par l'intermédiaire du cordier et des chevilles est aussi fondamental, et doit être réalisé avec soin et solidité. Situées hors de la longueur vibrante, l'influence de ces pièces sur le timbre est négligeable, mais leur importance est extrême sur la justesse et la tenue de l'accord. Leurs dessins varient grandement d'une région à une autre, et elles ont fait l'objet de multiples tentatives d'amélioration ou de remplacement. |
Les Chevilles |
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La vina emploie, pour tendre les cordes, sept chevilles de formes approximativement identiques. Les trois chevilles des cordes de tala traversent le manche et font face à l'instrumentiste, tandis que celles des cordes mélodiques sont emboîtées de part et d'autre du chevillier. Le manche et le cheviller de la vina se rétrécissant progressivement, et les chevilles et leur logement n'étant pas fabriqués de manière très précise avec les outils, lousses et taille-chevilles, propres à cet usage, de petites disparités de diamètre, de longueur et de profil existent entre les chevilles d'un même instrument obligeant le luthier à indiquer sur chacune d'entre elle, par de petits traits, la place qui lui est propre (1 trait pour la première corde, sarani 2 traits pour la 2ème, pañcama, etc.). |
Le Résonateur Auxiliaire |
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La vina est pourvue, en haut de son manche, d'un résonateur auxiliaire, appelé kudukkai ou tumba1, fait à l'origine d'une calebasse. Cette pièce est sans doute un vestige de l'évolution de l'instrument depuis sa forme de cithare sur bâton munie de résonateurs extérieurs, adoptée encore de nos jours par la rudra vina. Les musiciens d'autrefois jouant en position urdhva gardaient cette tumba près de leur oreille et aucun doute n'était possible pour eux sur la fonction amplificatrice de cet appendice. Dans la tenue horizontale de l'instrument pratiquée aujourd'hui, ce corps sonore est plus éloigné et son importance est donc moins perceptible. Des expériences de mesure d'intensité sur une vina jouée de cette manière, avec puis sans son résonateur supérieur, ont cependant montré en présence de la tumba un accroissement sensible du volume sonore au niveau de l'oreille gauche du musicien. |
Ce désintérêt pour cette pièce importante a amené peu à peu les facteurs à préférer aux calebasses, difficiles à trouver, fragiles et onéreuses, des imitations en papier mâché plus ou moins bariolées, en fibre de verre, acier, aluminium, et même vannerie recouverte d'enduit. Les caractéristiques acoustiques de ces ersatz sont bien sûr très différentes les unes des autres, certains d'entre eux n'ayant aucun pouvoir de résonance. La calebasse est une sorte de courge qui, une fois séchée, constitue un récipient aux parois légères, solides et étanches. Il en existe de formes, de tailles et de qualités très diverses et seules certaines bien particulières conviennent au rôle de résonateur pour la vina. La région spécialisée en Inde dans sa production est celle de Pandharpur dans l'état du Maharashtra, près de la ville de Miraj renommée pour la facture des sitars et tamburas du nord. Après un long séchage, une large ouverture ronde est pratiquée sur le fond de la tumba1, les graines sont enlevées, et le fruit est mis à tremper dans de l'eau pendant une journée. L'intérieur ainsi ramolli est alors gratté pour ne laisser que la paroi dure, et une fine peau extérieure est enlevée avec soin. Une solution de sulfate de cuivre est appliquée dans la calebasse pour la protéger contre les attaques d'insectes, et un petit trou est percé à son sommet pour permettre sa fixation sur le manche, par l'intermédiaire d'une coupelle de métal, d'une cale, d'un long boulon et d'un écrou. |
Les Cordes |
La vina du sud possède quatre cordes mélodiques et trois cordes de bourdon. L'ordre des cordes mélodiques est inversé par rapport à celui observé sur la guitare ou le sitar d'Inde du nord, la plus aiguë étant située sur le coté intérieur du manche. Le schéma ci-dessous montre la disposition, le nom et l'accord de chacune de ces sept cordes : |
Les longueurs vibrantes des cordes mélodiques, relevées sur les très nombreuses vinas que nous avons observées, sont comprises entre 72,7 et 91 cm, avec des variations en fonction des régions, de la tenue pratiquée (verticale ou horizontale) et de la taille de l'instrumentiste. |
Les cordes mandara et anumandara peuvent être en laiton, ou filées par un fil de cuivre autour d'un noyau d'acier. Ces dernières ont un timbre plus harmonique mais ont l'inconvénient de produire des bruits parasites lors des fréquents glissements des doigts. Une solution intermédiaire existe sous la forme de cordes filées et polies, assez utilisées de nos jours. Une autre pratique consiste à prendre une corde filée et à la polir soi-même très légèrement avec un papier abrasif sur la seule face en contact avec les doigts. |
Les frettes et leur positionnement |
Une fois l'instrument achevé, les cordes tendues entre le cordier et les chevilles, passant sur le chevalet et le sillet, la dernière étape dans la réalisation de la vina consiste à fixer avec précision les 24 frettes sur le manche. Cette opération est délicate et demande de la part du luthier ou du spécialiste qui l'exécute une très bonne oreille. Elle fait par ailleurs partie de l'entretien normal de l'instrument car elle doit être retouchée ou refaite intégralement en moyenne tous les ans, pour un instrument joué de manière professionnelle en Inde du sud. La cire dans laquelle les frettes sont maintenues est en effet une matière sans grande dureté où elles peuvent s'enfoncer ou se déplacer légèrement, faussant peu à peu l'accord original. |
L'ordre de pose adopté par l’accordeur C.D. Sambandam, célèbre à Chennai pour la qualité de son travail, peut être décomposé en trois phases : |