Facture de l'Andhra Pradesh |
Contrairement au Tamil Nadu et au Kerala, l'Andhra Pradesh possède aujourd'hui deux traditions de facture assez distinctes. La première, appelée facture de Bobbili, est en fait réalisée dans le petit hameau de Gollapalli à deux kilomètres de cette petite ville du nord de l'état. La seconde, la facture de Nuzvidu, directement inspirée de celle plus ancienne de Machilipatnam, est pratiquée dans cette grosse bourgade non loin de Vijayawada et rencontre de nos jours de grosses difficultées à se maintenir. Si nous pouvons percevoir une relation à l'origine entre ces deux traditions de lutherie et les deux écoles de jeu de Vizianagaram et de Pithapuram leur correspondant géographiquement, ce rapport est aujourd'hui distendu, les musiciens du bani de Vizianagaram jouant assez indifféremment des instruments de Bobbili ou de Nuzvidu et ceux de Pithapuram ayant pour beaucoup adopté les vinas de Tanjore. |
Les bois |
Plus encore que dans les autres états, les luthiers en Andhra Pradesh manquent du bois de jaquier nécessaire à la facture de qualité, en raison d'un interdit local assez strict sur l'abattage de cette essence. Ils sont donc souvent contraints à se fournir au Tamil Nadu voisin, à se procurer ce matériau par des voies illicites ou à avoir recours à des bois plus communs. Aujourd’hui la plupart des vinas faites à Nuzvidu ont ainsi une caisse réalisée en bois de manguier. Cette usage est moindre à Bobbili mais n'est pas toutefois négligeable. Le faible coût de ce bois permet de diminuer le prix de l'instrument achevé de 25 à 30 % de la valeur totale d'une vina d'étude. Ce matériau est généralement réservé aux instruments les moins chers, dont la caisse est alors souvent entièrement peinte d'une couleur ocre pour masquer la nature du bois. A Bobbili comme à Nuzvidu le jaquier reste toujours l'unique essence utilisée pour le manche, le chevillier et la table. |
La structure |
Seules les structures 1 et 2 B sont employées de nos jours à Bobbili pour la réalisation du corps de l’instrument. Le type 1 + peut être rencontré sur des instruments anciens, souvent de petite taille car destinés à être joués en position verticale. Plus restrictive encore, la facture de Nuzvidu utilise exclusivement la structure 2B, la plus simple à réaliser. |
Le corps |
Les vinas fabriquées de nos jours à Bobbili comme à Nuzvidu, sans être de longueur totale particulièrement importante (entre 130 et 135 cm), ont une très grande longueur vibrante (entre 86,5 et 90 cm). Les anciennes vinas de Bobbili, qui étaient destinées à être jouées verticalement, sont par contre de petite taille (110 à 120 cm de longueur totale, 72 à 75 cm de longueur vibrante). |
La décoration du corps est, ici encore, un des éléments permettant de distinguer les vinas faites à Bobbili de celles venant de Nuzvidu, ou de celles d'autres régions. Les Instruments les plus anciens de Bobbili présentent une caisse parfaitement lisse, sans aucun dessin de côte. Ceux fabriqués de nos jours sont pourvus de rainures très semblables à celles de Tanjore, bien que de largeur plus importante, délimitées vers le manche et le cordier par les deux cercles traditionnels gravés dans le bois. Les côtes des instruments de Nuzvidu sont d'aspect et de largeur semblables mais se finissent parfois en s'estompant au contact de deux grands motifs en forme de fleurs aux pétales en pointe, faits de petits boutons incrustés en plastique blanc. L'intérieur de ce dessin peut être couvert d'un vernis d'un noir profond. |
Caisse d'une vina de Nuzvidu |
La décoration de Bobbili est beaucoup plus semblable à celle de Tanjavur, faisant appel au même plaquage de fines lames de corne de cerf (ou aujourd'hui de plastique blanc) gravées de motifs floraux à l'aide d'un stylet. Elle est en général assez sobre, réduite à un bandeau autour de la caisse et à une bordure du manche et du chevillier, mais elle peut aussi s'étendre comme à Tanjore en formant de grands dessins en queues de paons. |
Le Yali |
Yali d'une vina de Bobbili |
Le yali des instruments de Bobbili est très reconnaissable, et n'a guère changé au cours de l'histoire. Sa figure est plus inspirée du lion que du dragon, avec un museau assez épais, une longue langue retroussée en forme de "S", et une ornementation en fines stries au sommet de la tête, derrière les yeux, et parfois sur le cou. Certains ouvrages mentionnent comme caractéristique des vinas de Bobbili le yali à la tête retournée vers le haut. Nous n'avons jamais observé de tels instruments, ni chez les facteurs de Gollapalli ni chez les musiciens d'Andhra Pradesh, mais certains tampuras de Bobbili, d'un modèle appelé "borakata", possèdent effectivement cette originalité. |
La table |
Les tables des vinas d'Andhra Pradesh ont une faible flèche (un cm au plus), celles de Nuzvidu pouvant être presque plates. Dans les deux traditions de lutherie, elles possèdent surtout deux particularités remarquables. La première est d'avoir un diamètre très légèrement supérieur à celui de la caisse, la table formant ainsi un petit surplomb à l'extérieur. La seconde est de n'être percées d'aucune ouïe, l'instrument étant de la sorte totalement clos. Les seules exceptions à cette règle se rencontrent sur des vinas très originales, fabriquées à Nuzvidu, qui sont pourvues d'une double table d'harmonie. Nous n'avons pas pu observer personnellement un tel instrument en fabrication, condition qui nous aurait permis de décrire sa facture avec précision, mais les croquis effectués pour nous par les luthiers montrent une table secondaire de petite taille, d'environ 25 cm de long, de forme similaire à la table principale, située parallèlement à celle-ci à 2 ou 3 cm en dessous d'elle, et encastrée dans le manche sur une profondeur de 8 cm. Pour permettre à ces deux pièces de vibrer sans contrainte, une ouïe en forme de "tranches de cercle" est alors percée à l'extérieur, grâce à laquelle le dispositif est – très partiellement - visible. |
Table d'une vina de Nuzvidu |
Vina de Nuzvidu à double table |
Table d'une vina de Bobbili |
Le chevalet |
La particularité la plus étrange des chevalets utilisés en Andhra Pradesh est l'utilisation d'un fil (jiva), ou même d'un petit ressort entre la plaque supérieure et les cordes graves. Ce dispositif n'est pas le fait des luthiers mais plutôt des musiciens aimant à jouer sur les contrastes de timbres ainsi créés. La facture de cette pièce est autrement conforme au modèle général. Les chevalets anciens présentent souvent d'assez belles sculptures en volutes. |
Le résonateur supérieur |
La facture de Bobbili est la seule, à notre connaissance, à utiliser encore régulièrement d'authentiques calebasses pour résonateurs extérieurs. Celles-ci sont fixées au manche par l'intermédiaire d'une pièce de bois insérée dans leur partie supérieure préalablement tronquée. Des imitations en fibre de verre ou en papier mâché peuvent aussi être employées. |
Forme en rotin destinée à la fabrication du résonateur à Nuzvidu |
Forme recouverte de papier mâché à Nuzvidu |