Facture du Tamil Nadu |
La facture au Tamil Nadu est principalement localisée dans la ville de Tanjore, et dans une bien moindre mesure dans celle de Tiruchchirappalli (Trichy), distante d'une soixantaine de kilomètres de celle-ci. C’est la facture la plus répandue aujourd'hui dans toute l’Inde du Sud et, à l'image du style instrumental de Tanjore, elle tend à influencer voire à supplanter petit à petit les particularismes des autres traditions régionales. C’est cette facture qui est principalement décrite dans les pages précédentes consacrées à la fabrication générale de l’instrument. Quelques points méritent toutefois d’être ici mentionnés, afin de la distinguer à coup sûr d’autres factures régionales pouvant au premier abord paraître similaires. |
Les Bois : |
Un des traits importants de la facture de Tanjore réside dans son utilisation pratiquement exclusive du bois de jaquier pour la réalisation de toutes les pièces constituant le corps de la vina3. Les essences viennent des régions de Salem (qualité inférieure, couleur jaune citron) et de Neyveli (meilleur qualité, de couleur plus orangée). L’approvisionnement en bois de qualité est le problème majeur rencontré par les facteurs de vina, depuis de nombreuses années. Cette difficulté les pousse à utiliser des bois parfois de mauvaise qualité, comportant de nombreuses imperfections plus ou moins habilement dissimulées par la suite par une décoration en placage excessive, ou part une sorte de pâte à bois. |
Facture du Corps : |
Les structures de type 1, 1+, 2 A et 3 sont utilisées à Tanjore pour la facture du corps de la vina, les modèles 1 et 3 étant de loin les plus représentés. La proportion de vinas de structure 1 est particulièrement élevée bien que nombre d'entre elles n'aient pas un bois d'une qualité suffisante. La structure 2 B était seulement employée à Tiruchchirappalli dans l’atelier de S. Ramanathan (Ramjee). |
Dessin en coupe des côtes sur les veenas de Tanjore |
Surfaces décorées par des côtes sur les caisses des vinas de Tanjore |
La décoration du corps était, jusqu'au début des années 1970, réalisée en fines lamelles de corne de cerf, fixées à l'aide de petites chevilles de bambou, dont la gravure faite au poinçon était remplie d'un mélange de colophane et de poudre de couleur. La corne étant de nos jours pratiquement interdite à la vente, les facteurs l'ont simplement remplacée par des feuilles de plastique blanc, d'un millimètre d'épaisseur et de qualité variable. La décoration occupe toujours le bandeau supérieur de la caisse, la bordure du manche et celle du cheviller. Son rôle principal est de masquer le joint entre la partie supérieure du corps (la table et le dandipalakka) et sa partie inférieure (caisse et manche). Les motifs sont traditionnellement d'inspiration végétale, exécutés avec une finesse très variable suivant la valeur des instruments. Les deux cercles de centre C1 et C2 mentionnés plus haut peuvent être aussi ornés de grands dessins reproduisant les plumes d’un paon faisant la roue. Ces décorations, souvent magnifiquement travaillées sur les instruments d'autrefois, servent hélas parfois aujourd'hui à cacher les défauts et craquelures du bois rencontrés fréquemment à ces endroits. Deux demi-bracelets de corne masquent à l'extérieur les joints entre la caisse, le manche et le chevillier sur les vinas en plusieurs parties. Leur présence n'est toutefois pas une preuve de l'existence de ces raccords, les instruments anciens de structure 1 les utilisant parfois de manière purement décorative. |
Le Yali |
Cette partie du corps qui peut facilement aider à l'identification de la région de provenance d’un instrument prend à Tanjore l'aspect d'un dragon dont la langue est retroussée vers le nez enroulé en forme de trompe. Quelques crocs en corne ou en matière plastique sortent de la gueule grande ouverte. Des dessins en volutes figurant le pelage de l'animal ornent la partie supérieure du chevillier, intégrant le yali au reste de l'instrument. Cette pièce était autrefois sculptée par le facteur lui-même, puis souvent dorée à la feuille d'or. Elle pouvait permettre dans une large mesure d'identifier précisément le facteur de l'instrument. Pour beaucoup de vinas, ces décorations sont de nos jours fabriquées en série par des ouvriers spécialisés dans ce travail. La matière utilisée dans ce cas est généralement un bois blanc, très tendre, recouvert ensuite d'un papier doré et peint de couleurs criardes. Leur originalité et leur valeur esthétique est alors considérablement réduite. |
La Table |
Les tables des vinas de Tanjore ont un rayon "r" compris entre 17,25 et 18,5 cm et montrent une flèche "Fl" importante (de 1,5 à 2 cm de haut). Elles sont toujours réalisées en bois de jaquier, et sont fixées sur la caisse à l'aide de petites chevilles de bambou et de colle à bois (traditionnellement colle animale mais de nos jours plutôt colle blanche synthétique) Elles peuvent être bordées sur leur pourtour d'un filet ou d'une frise aux dessins s'inspirant de végétaux, gravés dans la corne ou le plastique. Deux rosaces, faites dans le même matériau, sont incrustées de part et d'autres des cordes mélodiques, entre le chevalet et l'extrémité de la touche. Elles sont ornées de motifs floraux ou géométriques, et entourées d'un cercle formé de très nombreux petits trous de un ou deux mm de diamètre. Sous les cordes et légèrement en avant de ces rosaces, une assez grande ouverture circulaire (de 3 à 5 cm de diamètre) est souvent pratiquée, favorisant l'émission du registre grave. |